État et situation des langues autochtones en France
gant Yann-Vadezour ar Rouzdaskemmet d’ar 14.01.2022.
Une connaissance de l’état et de la situation des langues est indispensable pour comprendre l’urgence d’une action d’envergure en faveur de ces langues, et pour orienter les mesures à prendre afin de préserver au mieux la richesse que constitue la diversité linguistique, et afin de remédier aux conséquences psychologiquement dévastatrices de la perte de des langues. L’état des lieux des langues autochtones en France montre que cet état et cette situation sont particulièrement préoccupants pour diverses raisons.
- L’impossibilité légale pour les langues autochtones d’obtenir un statut d’officialité ou de coofficilité place ces langues en position d’infériorité par rapport à ce dernier.
- L’enseignement immersif en langue autochtone, qui semble plutôt contribuer à la bilinguisation, contrairement à l’enseignement classique de la langue autochtone pouvant même avoir des effets négatifs sur leur emploi, comme le montre l’exemple du valencien en Espagne, ne peut, sans modification de la constitution, être mis en place dans le publique.
- L’enseignement des langues autochtones ne peut, en l’état actuel de la Constitution, être généralisé, ce qui, par voie de conséquence, autorise les parents à priver leurs enfants d’un tel apprentissage.
- L’enseignement des langues autochtones est largement minoritaire sur le territoire des langues concernées, et quasi inexistant en dehors, ce qui laisse peu de chances à ces langues de perdurer.
- L’absence d’enseignement de la sociolinguistique dans le cursus général, contrairement à ce qui est pratiqué en Espagne, ne permet pas de lutter efficacement contre les préjugés dont font souvent l’objet les langues autochtones et contre la déconsidération dont peuvent être victimes leurs locuteurs, ni d’assurer une connaissance minimale des besoins des diverses communautés linguistiques autochtones présentes sur le territoire, ce qui permettrait de responsabiliser les individus sur les pratiques linguistiques au quotidien.
- La place quasi-inexistante des langues autochtones dans le public limite les perspectives de promotion sociale pour leur locuteurs, et diminue ainsi l’attractivité de ces langues.
En France métropolitaine, la situation est encore plus préoccupante pour plusieurs raisons supplémentaires.
- Les monolingues en langue autochtone, qui constituaient des pôles garantissant l’emploi et le maintien de leur langue, ont aujourd’hui disparu, ce qui place ces langues dans une situation de grande fragilité.
- Les locuteurs natifs des langues autochtones vieillissent et disparaissent, ce qui rend les travaux de collecte et de recherche, ainsi que le perfectionnement linguistique, de plus en plus difficiles à effectuer, et cela a un impact direct sur la qualité de l’enseignement et sur la qualité de langue des nouveaux locuteurs.
- L’importante diminution de locuteurs, qui s’ajoute à la disparition des locuteurs natifs, raréfie la pratique de ces langues, ainsi que la possibilité d’un apprentissage par imprégnation.
- La socialisation des langues autochtones est devenue si faible que ces langues ne sont plus les langues de référence de leurs locuteurs, même natifs, ce qui accentue les phénomènes d’interférences, et l’emploi massif d’emprunts, provoquant la disparition d’une importante part du vocabulaire idiomatique de ces langues.
- La transmission familiale des langues autochtones, principal garant d’une réelle appropriation de ces langues par leur bénéficiaires, souffre d’une coupure collective, rendant l’avenir de ces langues très incertain.
- Les langues autochtones sont généralement apprises tardivement par les nouveaux locuteurs, ce qui accroit la difficulté de l’apprentissage et nuit généralement à sa qualité, la conséquence étant souvent une prononciation et un emploi fréquent de structures syntaxiques non idiomatiques.
- La rareté des langues autochtones dans les entreprises fait que ces langues offrent peu de perspectives de promotion sociale, et les rendent ainsi peu attractives.
Ces remarques sur la vitalité des langues mettent en évidence un important déséquilibre entre la langue d’État et les langues autochtones, la situation étant nettement en défaveur des langues autochtones. Cet état de fait se vérifie sur l’ensemble des domaines concernés : inégalités démographiques, sociales, juridiques, économiques…
Aussi, les mesures en faveur des langues autochtones en application, et permises par la constitution en France, sont nettement insuffisantes, et particulièrement faibles en comparaison de celles dont bénéficient d’autres langues de l’Union européenne. Pourtant, la situation des langues autochtones en France est particulièrement alarmante. Concernant les principales d’entre elles, l’Unesco classe le basque parmi les langues « vulnérables » (niveau 4), le corse parmi les langues « en danger » (niveau 3) et le breton parmi les langues « sérieusement en danger » (niveau 2). Ce classement des langues par l’Unesco figure sur les pages ci-après.
- http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/endangered-languages/atlas-of-languages-in-danger/
- http://www.unesco.org/culture/languages-atlas/fr/atlasmap.html
Si on place les langues autochtones d’un point de vue dynamique, il est clair que non seulement un processus de substitution linguistique est entamé, mais que ce processus en est plus ou moins à sa phase terminale en France métropolitaine. Pour enrayer le processus, il conviendrait que les langues autochtones ne soient plus placées en situation d’infériorité par rapport à une autre langue, mais, au contraire, favorisées. Ainsi, une perspective d’écologie linguistique et de préservation de la pluralité, garant d’une pluralité de pensée et de rapport au monde, devrait conduire à l’idée d’une discrimination positive en faveur des langues minorisées sur leur espace pour permettre leur pérennité. Cette mise en valeur des langues autochtones permettrait, en outre, de lutter contre le sentiment de honte et d’auto-dénigrement qu’ont parfois les locuteurs de ces langues, et de renverser l’image négative que ces langues véhiculent au-delà.